39ème congrès du PCF : ne soyons pas dans le déni

Je suis intervenu dans le Conseil national qui examine le projet de base commune de discussion pour le congrès de 2023.

Je veux exprimer ma surprise.

Trop occupé à dresser, contre toute évidence, un bilan flatteur de notre activité des quatre dernières années, le texte qui nous est proposé fait l’impasse sur la plupart des graves difficultés que nous connaissons.

Je veux en citer quelques unes :

1. Nous perdons toute représentation au Parlement européen, et on nous propose de répéter l’opération en 2024.

2. Malgré quelques reconquêtes, notre reflux se poursuit globalement aux élections locales, en nombre de villes à direction communiste et en volume de population concernée.

3. Nous obtenons le plus faible résultat de l’histoire du PCF à la présidentielle, puisque notre candidat bénéficiait également du soutien de GRS, du MRC, des radicaux de gauche et de la nouvelle gauche socialiste.

4. Cette « démonstration de force » nous handicape logiquement pour obtenir un accord satisfaisant aux élections législatives. Sous pression et en position de faiblesse, nous sommes conduits à accepter un accord écartant de nombreux candidats issus de nos rangs pour porter les couleurs de la NUPES dans des territoires où nous avions grande légitimité à le faire.

5. Dans cette séquence, alors que l’objectif atteignable d’éliminer l’extrême droite du second tour de la présidentielle est monté constamment en puissance dans la motivation du vote de gauche, nous avons assumé d’apparaître comme un obstacle à sa réalisation. C’est une faute grave.

6. Nous reculons dans la batailles des idées. Nous jouons le jeux de la personnalisation, mais si notre secrétaire national est invité sur tous les plateaux, ce ne sont jamais nos propositions communistes qui se diffusent dans le débat public et viennent percuter nos adversaires. Par contre, les propos cherchant l’équivoque pour crever l’écran sont largement relayés : par exemple la mauvaise opposition travail/allocation, ou encore nos concessions à l’idéologie républicaniste qui pirate la « laïcité » et l’« universalisme » pour stigmatiser certains quartiers populaires.

7. Dans la même veine, nous glosons sur l’intersectionnalité, alors même que nous devrions contribuer à ce que les victimes de domination s’épaulent, et se rencontrent en un front commun redouté par l’ordre établi. Enfin, nous ne prenons pas la mesure du combat écologique, en résumant notre investissement dans ce domaine au choix du nucléaire, et surtout en ne rompant pas avec le logiciel consumériste et productiviste qui nous a trop longtemps imprégné.

8. En conséquence, dans de nombreux réseaux de lutte, on nous regarde désormais de travers, et selon toutes les études, nous décrochons profondément dans les catégories populaires.

9. Cette situation créée du trouble chez nombre de camarades, et tend les débats dans notre parti.

10. Au final, ce sont des milliers de cotisants de moins en 4 ans, entre départs de communistes et incapacité à rallier celles et ceux qui auraient leur place au Parti communiste français.

Tout cela est passé sous silence dans le texte alors même que cela s’exprime dans les contributions des communistes, et dans nos travaux d’aujourd’hui. Dès lors, on voit mal comment en méconnaissant ainsi nos difficultés, ce texte pourrait nous aider à relever les défis qui sont devant nous, et l’un d’eux en particulier que le texte sous-estime notoirement : empêcher efficacement la marche au pouvoir de l’extrême droite.

Nous aurions pour cela besoin d’un grand congrès. Ce texte ne nous permet pas de l’avoir.

Notes

Une dérive idéologique progressive

Un document à venir.

Évolution du nombre de cotisants sur les dix dernières années

Le tableau ci-dessous donne à voir une estimation de l’évolution de notre réseau militant à partir de différentes données recueillies, le nombre d’électeurs inscrits déclaré par chaque fédération pour les consultations des communistes, ou des états produits par le secteur trésorerie national.

ÉchéanceInscrits / Cotisants
Vote du choix de base commune 36ème Congrès (décembre 2012)64 184
Vote du choix de base commune 37ème Congrès (mai 2016) 52 933
Vote du choix de base commune 38ème Congrès (octobre 2018)49 231
Vote de la consultation sur la présidentielle 2022 (mai 2021)43 888
État fin 2021 émanant du trésorier national39 112
État novembre 2022 émanant du trésorier national31 900

13 réflexions sur “39ème congrès du PCF : ne soyons pas dans le déni

  1. Ce qui me trouble c’est la non prise en compte d’une rupture avec un système social en fin de course incapable de résoudre les problèmes auxquels l’humanité est confrontée, qu’il s’agisse du social, de la démocratie, de la paix.
    A propos du nucléaire prendre acte que c’est d’un autre ordre de grandeur que les sources conventionnelles d’énergie exige que l’on prenne en considération le fait qu’il est incontournable pour répondre aux besoins croissants d’énergie. En même temps il faut prendre conscience de ce que comporte la poursuite de la politique de dissuasion. L’apocalypse nucléaire n’est pas une vue de l’esprit, il y a nécessité de ratifier le TIAN.
    Pour ce qui est du consumérisme il faudrait plutôt évoquer la masse des gens qui n’ont pas ce qui est indispensable. J’ai personnellement porté mon premier slip à l’âge de 12 ans, je ne veux pour rien au monde revenir à cette période !

  2. Pas d’accord du tout avec ce texte. Notre présence aux Européennes comme aux Présidentielles ont permis aux idées Communistes de réapparaitre, et nos candidatures ont entrainé une vague de sympathie. Notre résultat médiocre aux Présidentielles, chacun le sait, est uniquement expliqué par le « vote utile ». L’argument fallacieux comme quoi nous aurions empêché la « gauche » de gagner, ne tient pas quand on mesure le poids actuel de la Gauche toute confondue. Quant à concevoir l’élection de Mélenchon au second tour (ou son délire de Premier Ministre) il faut vraiment être hors sol. Le « décrochage dans les catégories populaires » est justement du fait du discrédit de la FI, qui rejaillit sur nous. Les élucubrations des députés Fi à l’AN, si elles plaisent à une frange d’électeurs convaincus de gauche, elles renforcent la défiance des couches populaires, des travailleurs, vis-à-vis de la politique. Concernant la « perte de milliers d’adhérents » – il faudrait effectivement la mesurer si elle est réelle. En Bretagne nous assistons plutôt à un développement important d’adhésions, notamment dans la jeunesse. La situation n’est certes pas facile, mais l’orientation impulsée par le 38ème Congrès, pour un retour aux entreprises et aux quartiers populaires, pour reconstruire nos cellules, pour montrer notre utilité à la population, doit être confrmée et renforcée au prochain.

  3. Il serait intéressant de connaitre le nombre exact de votants à ce CN , ainsi que les nombres de pour , de contre ou d’abstentions à ce texte d(orientation, car le nombre des absents, souvent recensé lors de ces CN, est assez important et représente pour moi une interprétation politique. Le pourcentage d’adoption du texte est assez étroit et ne doit pas permettre à la direction actuelle de persister dans « cette démonstration de force » ridicule qui n’est qu’en fait qu’une descente aux enfers.

  4. Je suis parfaitement d’accord avec l’analyse et je fais d’ailleurs partie de ces adhérents qui ont décroché en 2022. Pour la première fois je n’ai pas payé mes cotisations. Notre parti mérite un véritable congrès. Pas un débat tronqué autour d’un texte de déni. Espérons que les camarades qui savent exprimer ce point de vue sache se faire entendre toutefois.

  5. Soyons communistes français donc internationaliste et porteurs de ce qui permettra aux prolétaires de dépasser leurs différents :
    Désigner la FI comme ennemi c’est nous définir comme morts …
    Nous devons au contraire apporter nos lumieres , autant aux insoumis qu’aux autres partenaires face au capital armé de sa menace fasciste…
    Donc en effet j’approuve l’intervention presente face au defi d’un bon congrès

  6. Le projet de base commune est totalement insuffisant si l’on veut vraiment faire du PCF une force politique qui compte.
    La partie « bilan d’activité »est totalement déconnectée du réel de l’activité du parti, de ses forces militantes avec une baisse continue des adhérent(e)s.
    L’analyse de la dernière séquence électorale est hors sol.On dirait qu’on a – presque – gagné l’élection présidentielle et que la NUPES a perdu les législatives.Le débat qu’il y a eu sur « faut-il ou pas maintenir jusqu’au bout la candidature de F Roussel ? » au sein du parti n’est même pas évoqué.
    Sur les perspectives, le texte reprend les éléments du texte du précédent congrès, aucune novation s’agissant du communisme.
    Maintien d’un électoralisme – des candidats partout tout le temps- qui fait du PCF un parti comme les autres s’intègrant dans la logique de la démocratie délégataire chère à la bourgeoisie.
    Enfin des mesures organisationnelles purement volontaristes compte-tenu de la réalité des forces militantes.
    Bref un texte inamendable en l’état.
    Donc la NECESSITE d’ un texte alternatif !!

  7. Roussel ça suffit : une attitude sectaire, un vide programmatique total et une personalisation à outrance. Sa politique consiste à abandonner toute référence communiste pour adopter une rhétorique populiste afin de cliver avec la France insoumise. Le communisme est abandonné au profit de la social-démocratie molle. C’est quand même un comble que Mélenchon ait porté plus de propositions communistes dans le débat public que Roussel !

  8. Je suis convaincu par l’analyse développée par Frank Mouly. En réponse à « Mainguené Fédé Bretagne », j’ai été frappé par le développement du vote RN dans les communes rurales des Côte-d’Armor (hors zones côtières), alors que la Bretagne était jusqu’à présent largement hermétique au discours lepéniste et la menace d’une victoire électorale du RN au plan national ne peut plus être écartée.

  9. Bonjour,
    Au Conseil de Métropole de Montpellier, nos élu.e.s communistes viennent de « s’abstenir » sur le vote visant à supprimer la prime d’intéressement aux agents s’ils ont plus de 10 jours de congés de maladie proposé par le Président socialiste, seul un a voté contre. Ce n’est certainement pas avec ce type de positionnement politique que nous irons reconquérir l’électorat ouvrier et populaire !
    Il y a une forme d’addiction à la social-démocratie répandue chez nombre de nos camarades, ce qui m’apparaît particulièrement dangereux. J’attends avec une patiente impatience une proposition alternative dont je souhaite en être partie prenante dès la rédaction.
    Cordialement.

  10. André Lavergne.
    Pour moi cette situation et l’état actuel du parti est un drame.
    J’ai adhéré au Parti en 1954 après avoir eu des responsabilités départementales à l’ujrf, la jeune fille que je fréquentais, connue au festival de la jeunesse à Bucarest en 1953 et qui est devenue mon épouse a adhéré la même année après avoir milité à l’UJFF. Elle fut 19 an conseillère général de la Nièvre et Maire de La Machine, chevalier du mérite national et de la légion d’honneur, ce qui est rare pour une élue communiste. En ce qui me concerne j’ai été secrétaire général d’une fédération de la CGT.
    Nous avons donné toute notre vie au parti ,et montré du doigt lorsque nous avons exprimé nos désaccords .
    Je suis entièrement d’accord avec les 42 % des membres du CN. Il faut aller sur médiapart pour avoir à ce jour les résultats du CN. Ce n’est plus supportable; et en plus pour certain un retour du culte de la personnalité.

  11. Pour une fois qu’on a un secrétaire national qui tient la route on ne va s’en plaindre. Car Robert Hue – la faiblesse politique et morale qui a terminé dans les bras de Macron – qui a conduit la mutation réformiste du PCF a fracassé l’organisation (entre 1996 et 2001, plus de la moitié des adhérents ont quitté le Parti… quand même ! sans qu’il n’y ait eu un semblant de remise en cause de la politique menée par les dirigeants de l’époque); MG Buffet, sympathique mais inefficace et Pierre Laurent, gentil mais terne. Alors un dirigeant ne fait pas tout un Parti, c’est vrai. Une politique s’incarne à travers une personnalité et aujourd’hui c’est Fabien Roussel et les communistes l’ont bien compris avec un vote non discutable pour le texte du CN. Est ce suffisant? Non. Il faut que le PCF définisse un vrai projet de société en remplacement du capitalisme, on ne peut se contenter de phrases creuses sur le « communisme déjà là » ou le « communisme goutte à goutte » réalisé sans abattre le capitalisme, ceci n’est qu’ est une illusion. La nécessité d’aujourd’hui est de définir une stratégie de mise à bas du capitalisme. Si les communistes en restent à une « visée communiste » aussi vaseuse que gazeuse, ils ne sont pas prêts d’être entendus ni même crédibles. Le PCF a intérêt à faire la clarté sur la perspective de société qu’il propose.
    Gilles Figueres

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