Chelles, un lamentable travail de sape mémorielle

Je suis effaré du tour que prend le « travail » mémoriel à Chelles. Qu’il faille dépoussiérer des commémorations qui peuvent, années après années, peiner à mobiliser la population, pourquoi pas. Mais à Chelles, la commémoration est devenu un spectacle toujours plus mis au service d’une certaine vision du monde, occidentaliste et atlantiste.

Le discours prononcé par M. le Maire de Chelles le 8 mai dernier avait constitué un pas supplémentaire dans cette direction, témoignant d’une vision particulièrement falsificatrice de l’histoire. Lors de son allocution qui avait pris le tour d’un meeting politique, Brice Rabaste avait jeté dans le même sac poubelle, le nazisme et l’URSS, négligeant entièrement les sacrifices de l’armée rouge et des 19 millions de morts issus des peuples qui composaient l’ex Union soviétique, sacrifices qui furent décisifs pour abattre le nazisme.

Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, le Maire s’était attelé à un exercice bien dans l’air du temps, pour s’inquiéter de la montée « des extrêmes », avec plus particulièrement l’intention, dans ce rapprochement absurde, de flétrir La France Insoumise et ses alliés. Et sans un mot bien sûr pour les authentiques racistes. Une honte. Ne s’arrêtant pas même un instant sur les douze résistants fusillés lors des combats pour la mairie de Chelles, ni ceux en quêtes d’armes, assassinés par l’armée allemande à la cascade du Bois de Boulogne, on ne saura pas plus qu’à Chelles, la résistance recruta d’abord dans les rangs du Parti communiste.

Habitué à ces raccourcis, à ces impasses et même à ces falsifications, c’est pourtant avec stupéfaction que j’ai découvert le programme des « réjouissances » liées en cette fin d’été aux commémorations de la Libération de Chelles.

Outre le bal costumé et des mirlitons dont l’affiche se trouve aimablement ornée de guirlandes de drapeaux américains, Brice Rabaste qui a pris l’habitude de faire rouler dans Chelles de vieux bahuts qui évoquent moins la Résistance que les sinistres convois des rafles du Vel d’hiv, a cru judicieux d’installer « un camp militaire » américain dans le parc de Chelles.

C’est bien-sûr un contre sens historique et à plus d’un titre. On peut d’abord s’étonner que ces génuflexions pro-américaines interviennent au moment même où le fascisme le plus vulgaire vocifère depuis le bureau oval de la Maison blanche, et cherche à imposer à la France comme au reste du monde, un ordre commercial et militaire injuste.

Partant, on peut s’étonner qu’un Maire autoproclamé gaulliste, ne voit pas que la tutelle politique et économique que Trump entend rétablir sur le continent européen fait directement écho à l’Allied Military Government of Occupied Territories (AMGOT) que les États Unis cherchèrent à établir en France, en place de l’autorité politique légitime émanant du Conseil National de la Résistance. Un funeste projet qui aurait rangé la France dans le camp des vaincus. Fort heureusement, le Général De Gaulle et la résistance Française s’opposèrent avec la dernière énergie à ce projet.

C’est d’ailleurs par les actes et par les armes que cette autorité politique fut incontestablement conquise. Au premier rang, l’insurrection de Paris et sa libération par son peuple, à l’appel du Colonel Rol-Tanguy passée sous silence par M. Rabaste, fut une contribution essentielle pour assurer ce statut à une France dévorée par quatre années de collaboration d’une partie de ses élites. C’est là un autre contresens, tout aussi dans l’air du temps que de dénier 81 ans plus tard, le mérite d’un peuple d’avoir su se rebeller et reconquérir sa liberté.

La post vérité ne concerne pas que notre regard sur l’actualité, mais aussi malheureusement, la falsification de notre passé. C’est là une faute tout à fait impardonnable.

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