Le projet communiste, ce n’est pas « la valeur travail », c’est la sortie du marché du travail capitaliste

Je suis intervenu dans le débat du Conseil national du PCF aujourd’hui.

La Fête de l’Humanité a été une grande réussite : par l’affluence, le déménagement réussi grâce à l’organisation comme aux militants et par la qualité de ses débats.

Mais alors qu’elle aurait pu être l’occasion d’un prolongement de l’espoir né au printemps dernier, ce qui était possible avec la présence de l’ensemble des forces de gauche, alors qu’il aurait été utile qu’on laisse l’Humanité occuper pleinement cette centralité dans le débat à gauche, et au passage que notre parti puisse également afficher sa capacité fédératrice, un plan de communication discuté on ne sait où, a remplacé le débat et le rassemblement par le buzz.

Ce n’est pas la première fois qu’on marchande le fond politique pour obtenir un peu d’audience. Pourtant, la méthode n’a pas montré des résultats si considérables. De l’audience peut-être, mais des résultats électoraux, ou des progrès dans le débat d’idées, pas beaucoup. C’est normal : la triangulation, ça ne marche pas. Car on a beau dire qu’on « part de ce que les gens ont dans la tête », en réalité, on part de la doxa relayée par les chaînes d’infos, la pensée CNEWS. Du coup, on croit détourner les mots de l’adversaire, en réalité on valide juste ses thèses.

Franchement, est-ce le rôle du PCF de reprendre si peu que ce soit le refrain des représentations dominantes qui transforment le ou la privé·e d’emploi en assisté·e ? Quelle idée de nous inscrire si peu que ce soit dans l’opposition entre deux conquêtes que sont le salaire et l’allocation, en particulier celles résultant du régime générale de la sécu ? Et je pense aussi à tous les combats menés, par exemple pour obtenir la déconjugalisation de l’AAH, la revalorisation des APLs, l’extension de l’allocation de rentrée scolaire, oul’élargissement de l’allocation de solidarité aux personnes âgées… Sans parler de la jeunesse, pour laquelle nous réclamons depuis 22 ans une allocation d’autonomie, depuis que notre camarade Alain Bocquet a déposé en novembre 2000 une proposition de loi en ce sens.

Si notre indicateur de réussite, c’est uniquement le bruit médiatique suscité, alors on a tout bon. Mais si c’est la compréhension du projet communiste, alors on peut avoir de sérieux doute. Quel est le projet communiste en matière de travail ? Est-ce seulement que tout le monde soit au travail, que tout le monde soit dans l’emploi ? Quoiqu’il en coûte ? Même à vil prix, même dans n’importe quelles conditions, au prix de n’importe quelle aliénation ou pour produire n’importe quoi pour le capitalisme ? Le projet communiste, c’est la sortie du marché du travail capitaliste, plus ou moins progressive : et c’est ainsi que nous répondrons à ces questions, celle du partage de la valeur, celle des droits dans le travail et celle du travail comme moyen d’hominisation.

Si au moins nous avions « ouvert le débat » comme je l’ai entendu. Mais avez-vous aperçu la moindre trace ces derniers jours, des propositions qui sont « basculantes » pour commencer à sortir du marché du travail capitaliste, et qui sont justement dans le débat des communistes ? Rien. Ni la sécurité emploi formation développée depuis 30 ans par la section économique du PCF, ni la sécurité sociale professionnelle de nos amis de la CGT, et encore moins la proposition de notre camarade Friot, c’est-à-dire un salaire qui ne sanctionne ni un effort comme le prétend l’idéologie dominante, ni un besoin comme c’est le cas en réalité puisqu’il ne s’agit que de permettre la reproduction de la force de travail, mais un droit politique reconnaissant une qualification.

On ne fait pas avancer ces propositions et idées communistes avec cette méthode. Par contre, en cherchant à cliver par tous les moyens pour arracher un peu d’attention médiatique, on trouble les communistes, et on alimente incidemment jusqu’à la caricature les logiques de division entre des forces qui devraient converger. Enfin, faire ce genre de sortie alors que Macron s’apprête à une nouvelle réforme de l’assurance chômage et des retraites… franchement, quel sens du timing !

Je conclue en m’interrogeant : où cette polémique a-t-elle été décidé ? Et où a-t-il été décidé que nous ne participerions pas, pour l’instant, à la marche contre la vie chère et l’inaction climatique du 16 octobre. C’est au Conseil national de se prononcer. Nous devons le faire dès aujourd’hui, et le cas échéant adopter une résolution annonçant notre participation à la marche d’octobre dont la tenue n’est nullement un obstacle à l’indispensable succès du 29 septembre. Situons-nous au coeur du mouvement, c’est ainsi que nous serons utile, et que nous ferons avancer les idées communistes

11 réflexions sur “Le projet communiste, ce n’est pas « la valeur travail », c’est la sortie du marché du travail capitaliste

  1. Un débat sur le travail serait effectivement bienvenu.
    A vrai dire, syndicats et partis politiques sont très faibles sur le sujet dans leurs discours, leurs actions, leurs propositions.
    Vous avez raison de dire qu’on ne doit pas faire le buzz sur ce thème dans un moment qui a été un moment de rassemblement.
    Et perso, en tant que militant et responsable d’un mouvement de chômeurs qui a permis de faire entendre la parole des privés d’emploi – qui n’ont pas besoin d’un emploi pour affirmer leur dignité supposée perdue (Roussel, Brossat) par l’exclusion du marché du travail – je rappelle toujours que ces « allocs », que ne touchent qu’un tiers des chômeurs.es aujourd’hui, sont du salaire différé.

  2. Confondre le travail et la valeur travail 😡
    Camarades revenez à vos classiques comme l’a fait Frank, sera plus profitable au Parti que la fuite en avant dans la démagogie (de droite).
    Courage et affection

  3. je ne comprend plus. cela fait 15 ans peut-être 20 ans que tu critiques les décisions du PCF et longtemps je t’ai suivi dans ces critiques mais à un moment il faut réfléchir et se poser des questions. La première est tu encore communiste et pourquoi?

    • Débat particulièrement essentiel et interressant s’il ne partait pas d’allegations mesongeres à l’égard de notre Secrétaire national, et d’un procès sorti des vociferations de la FI qui ferait mieux de s’occuper de ses casseroles.

  4. Moi, ce qui m’énerve, c’est que certains reprennent cette expression « marché du travail « . Considérons-nous les travailleurs pour des citoyens ou des esclaves ?

  5. je suis globalement d’accord avec cette declaration.quelques remarques:
    -toute la gauche est responsablede la situation politique nous y compris Mélenchon(qui lui aussi délire d’une manière saisonniere).Tous ont adopté la meme stratégie du couloir identitaire jusqu’au boutiste pour les présidentielles ,méprisant le desir d’union maintes fois exprimé et remettant à 5 ans un éventuel changement risqué à gauche.L’union à gauche aux législatives a été imposée par les électeurs.Quel bilan!
    -le combat pour l’augmentation des salaires contient en lui meme le rejet de l’assistance,point n’est besoin de faire des déclarations « buzzy- popu » introduisant ou nourrissant des clivages ou des exclusions.
    -depuis juin 2020 ( avec la polémique sur le droit d’asile suivi de la manif bien pourrie des policiers) la multiplication de ce style de déclarations péremptoires et racoleuses de notre secretaire general n’ont pas fait honneur aux communistes.c’est devenu intolérable!
    -concernant les allocations familiales je suis abasourdie par la méconnaissance de l’histoire.Elles ne sont pas une assistance ni une indemnité mais un salaire continué universel de type communiste une conquete arrachée au capital en meme temps que la sécurité sociale et le statut de la fonction publique.
    -Il serait donc temps de prendre appui sur ces conquetes pour non pas « dépasser le capital » mais l’assécher en prenant le pouvoir dans le plus de domaines possibles et surtout là ou se crée la valeur dans les entreprises.Parler de « communisme  » inspiré du marxisme et npon plus de rupture est crucial .ça nous eviterait d’etre confondus ave cla social démocratie et donnerait enfin un espoir .
    le 16 octobre:je pense que la raison va l’emporter et que nous serons présents.Ce n’est pas le moment de faire bande à part.Ceci dit je comprend les syndicats qui se méfient de la position de Mélenchon.N’oublions pas qu’il n’a pas abandonné sa philosophie politique qui nie ,ou contourne tout ce qui est organisation collective et corps intermediaires ( sauf position opportuniste à l’occasion) pour privilégier l’individu noyé dans son concept de « peuple contre les élites ».conception ulta dangereuse et populiste elle aussi.Les syndicats ne l’ont pas oubliée surtout ave c sa nouvelle critique de la charte d’Amiens.La complémentarité des des activités syndicales et politiques pour nourrir un large rassemblement n’est plus à demontrer dans le respect de chacun.
    Concernant la démocratie dans notre parti,je crois que nous sommes dans une crise exceptionnelle:que veulent dire les décisions prises en petit comité?que révèlent les declarations du CN prises à 50 présents sur 177?ont elles encore de la valeur?.Il faut arreter le verrouillage des amendements dans les conferences federales et libérer la parole pour enfin débattre politiquement au lieu de changer les virgules et les points dans les textes ,sans compter les tentatives de manipulation de votes dans les consultations internes .
    marie claude Zoughebi communiste atterrée.

  6. Tout a fait juste,même si les propos de Fabien Roussel faisait allusion a la constitution de 46, dans son préambule du devoir travaillé et du droit a l’emploi, que peu on comprit. Dans le contexte de 46 avec un pc fort pour sa résistance, et avec une bourgeoisie affaiblit; cela se justifiait, la reconstruction du pays avait un prix, et a permis d’obtenir des avancées significatives pour les travailleurs, nous sommes en 2022, et avec les réformes dur qui nous attendent nous sommes plutôt dans le devoir de travaillé sans avoir de droits; il aurait était plus a propos d’attaquer le capital pour ce qu’il est : La valorisation de l’argent et non de la production. L’opposition des forces de travail avec les allocataires ne peut être qu’utilisé par les adversaires du mieux vivre que comme des arguments allant dans le sens de la division des forces de progrès…

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